Hélas, la catastrophe tant redoutée devait bien arriver un jour. La gangrène tentaculaire de la "civilisation" grignote de jour en jour ce magnifique écrin de verdure. Après le sud du département, c'est le nord qui est attaqué. Saleté, mauvais goût et uniformisation. La paysannerie, l'élevage et l'artisanat commence à disparaitre au profit de rentiers oisifs fiers de leur piscine et de leur                                  grosse  bagnole. Vraiment aucun intérêt.

RÉQUISITOIRE D'UN SAUVAGE

(mais où est passé le temps de la vraie campagne)

 

2020, ''annus horribilis''. Une pandémie s'est déclarée un an plus tôt avec son cortège de restriction des libertés, son confinement, sa méfiance vis-à-vis de son voisin, de sa famille, de ses amis. On se planque, on n'ose plus sortir, l'inquiétude voire la peur s'installe dans les foyers. Ainsi, des croyances irrationnelles envahissent rapidement les esprits. Les villes sont assimilées par une partie de la population comme inconfortables, dangereuses, infestées de virus ; les campagnes, depuis si longtemps méprisées, deviennent des lieux salvateurs et sécurisants. Ajoutez la mode de '' prise de conscience écologique'' , ainsi que l'intérêt financier des pouvoirs publics à ce qu'ils appellent ''l'aménagement du territoire'', et le rouleau compresseur de la destruction de nos campagnes devient imminent. Un nouveau virus s'installe insidieusement et celui-là  plus durablement. Drôle d'époque, les urbains rêve de replanter des arbres dans les villes et les ruraux urbanisent les campagnes.

Je me suis installé dans un hameau il y a une vingtaine d'années. Tout autour du hameau, la forêt à perte de vue. Je veux parler de la vraie campagne, le ''trou du cul du monde'' comme on dit, celle qui fait peur en hiver, où il n'y a pas de magasins et où la boulangerie n'est pas en face de chez soi. C'est là mon vrai jardin, c'est là que je vais chercher mon thym, mon romarin, mes salades, et en saison des champignons, des amendes, des coings, des figues, des mûres, des cynorrhodons et autres joyeusetés. Outre la cueillette, je m'y promène sans barrière y compris dans les espaces agricoles sans que ça ne gêne outre mesure les paysans. Ce sont ceux-là même qui me donnaient de temps en temps le surplus de leurs récoltes potagères. Je dis '' donnaient'' car ils sont tous disparus aujourd'hui. Leurs enfants ont vendu les terres et remplis considérablement leur compte en banque. Voilà le malheur, l'argent ! bien qu'il en faut pour tout un chacun; mais son excès change bien des choses. Dans un village voisin à une dizaine de kilomètres, un certain nombre d'anarchistes ou assimilés s'y était installé à la fin des années 70, dans cette commune ouvrière éminemment socialiste depuis des décennies. Un village étrange et étonnant de trois mille habitants où il n'était pas rare que des personnes vous disent bonjour dans la rue sans vous connaître. Entretemps, la spéculation immobilière a fait son chemin, et les personnes enrichies commencent à avoir peur. Aujourd'hui, l'extrême-droite est aux portes de la mairie. Je ne veux pas faire de corrélation avec les anciens habitants composés de quelques anars et  d'ouvriers gauchisant d'autrefois contre les nouvelles idées (pas si nouvelles que ça, d'ailleurs) plus droitière, plus tournée vers l'égoïsme du confort matériel et donc de l'argent, voire quelque peu fascisante d'aujourd'hui; mais à ce jour, plus personne ne me dit bonjour hormis quelques rares survivants. C'est un constat.

 

2020, ''annus horribilis''. A l'époque, peu de personne connaissait le hameau ou j'habite. Les gens, qui d'aventure en avaient entendus parler, me disaient qu'il n'y avait rien hormis des « bouseux » (propos que je rapporte des ploucs de la ville bien content de venir sur le territoire faire de la spéculation immobilière et polluer de leur présence un environnement autrefois bien plus sain). Je leur répondais que c'était justement pour ça que je voulais m'y installer. A ce jour il est pratiquement encerclé par la construction de lotissements qui se fait à une vitesse considérable. Des clôtures se sont élevées dans des propriétés jalousement gardées par la gent canine. On ne peut plus circuler sans se faire agresser par l'aboiement de leur gardien. Mon espace de liberté de circulation se restreint de jour en jour. Les espaces ouverts sont remplacés par un environnement fermé. Des gens courent en été, torse nu, remplaçant les chasseurs, qu'on aime ou qu'on aime pas, mais qui couraient au moins après quelque chose. On est pas en Californie, nom de Dieu. Les moutons ont été remplacés par les voitures, et l'air ambiant sent les hydrocarbures. Le chant doucereux d'une chouette (chassée par les nouveaux arrivants) qui accompagnait mes nuits, est remplacé par le chant discordant et pétaradant d'un touriste en moto qui rentre tard d'une quelconque soirée. Le bruit des tondeuses (car les nouveaux arrivants n'aiment pas l'herbe et les feuilles des arbres qui tombent en automne) et les disputes pour garer sa voiture deviennent la norme. Les figuiers ont été coupés, le thym et le romarin se sont éloignés. La proximité de la nature et des services ont été remplacés par la promiscuité de personnes anonymes quand il y a peu de temps tout le monde se connaissait. Tout ce que je pouvais faire à pied, je ne peux le faire aujourd'hui qu'en voiture. L'aménagement du territoire défigure les sites naturels au profit d'un sur-tourisme insupportable qui laisse derrière lui ses produits de consommation. L'environnement devient sale, le commerçant compte ses sous et le campagnard râle sur sa tranquillité perdue. Je retourne chez moi et me confine sans oser sortir. La campagne recule, ma liberté s'amenuise, mon bonheur s'efface. La qualité de vie a considérablement baissé en quelques mois. Par cette constatation, je comprends mieux aujourd'hui le sens existentiel de ce célèbre proverbe : "pour vivre heureux, vivons caché".  Ainsi que le rapporte Paul de Kock dans un de ses romans : "ceux qui apportent aux champs les modes et l'étiquette de la ville ne connaîtront jamais les plaisirs de la campagne". Le confinement de la covid ? Quelle rigolade. Je me retrouve confiné à vie par des confinés provisoires. 2020, ''annus horribilis''.

Quelques photos pour illustrer le texte ci-dessus ou comment les "écolos" de salon conçoivent la campagne de nos jours.  Bientôt, comme cela s'est déjà vu dans d'autres communes, des requêtes auprès de la mairie seront faites  pour éliminer le chant des cigales, le son des cloches de l'église ou l'odeur des crottes de moutons dans l'air ambiant. Voici ci-dessous, quand les ploucs de la ville débarquent; ceux-là même qui méprisent (comme je l'ai entendu tant de fois) les soi-disant "bouseux" de la campagne.

 

 

 

 

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